Si j’avais été psychiatre
en chef entre 1890 et 1923...
Je serais définitivement un homme et on m’appellerait
le surintendant médical du Protestant Hospital for the
Insane de Verdun. J’aurais à relever le défi
d’introduire une notion souvent ridiculisée, le « traitement
moral des fous », et je travaillerais fort à convaincre
les autorités et mes collègues de remplacer les
contraintes physiques par un environnement de vie plus sain,
un programme complet de travaux et de loisirs et une approche
chaleureuse et humaniste.
Je ne traiterais aucun patient externe
mais 354 patients hospitalisés contre leur gré – les admissions
volontaires étant interdites par la loi – et
j’aurais peu de diagnostics parmi lesquels choisir.
Je traiterais la mélancolie et la manie, mais aussi
trois types de démence ainsi que la parésie
générale, aussi appelée syphilis tertiaire.
Mes notes d’observation indiqueraient également
que certains individus malchanceux souffraient à la
fois de manie et de mélancolie. Même si, en
vertu de la loi, on ne s’attendrait à ce que
je m’occupe des « idiots, imbéciles et
débiles » – à moins que ceux-ci
ne soient dangereux, scandaleux, mal formés ou épileptiques – je
serais attentif aux tentatives des familles et des autorités
de nous faire prendre en charge ces infortunés. L’une
de mes principales préoccupations serait de faire
face à la tuberculose pulmonaire, une maladie grave
et contagieuse pour laquelle il n’existait pas de traitement
ou de remède. Quant aux médicaments ou aux
thérapies pour mes clients, il n’y en aurait
aucun, et mes instruments d’intervention seraient une
nourriture de qualité, un bon milieu de vie et une
attitude constructive.
Mes chiffres de 1896 prouveraient l’efficacité de
notre approche : des 1 279 patients admis au cours des six
années précédentes, nous en aurions
considéré 447 comme guéris et 151 comme
améliorés. Quel autre asile pouvait s’enorgueillir
d’un taux de congé de 47 %? Malheureusement,
dans les quelques années suivant l’ouverture
de l’Hôpital, l’espace de vie de qualité deviendrait
très restreint et le surpeuplement de l’asile
serait ma priorité absolue.
Mon salaire, pour faire
face à des problèmes
budgétaires, à des pénuries de personnel
médical, à un roulement dangereusement élevé de
personnel et à des voisins hargneux luttant contre
nos efforts pour bâtir de nouveaux pavillons sur nos
terres, n’atteindrait même pas 3 000 $ par année.
Par contre, en 1905, j’aurais été récompensé de
mes efforts en déménageant de l’Édifice
principal, où je résidais avec le reste du
personnel, à la moderne et élégante
Villa Burland. Je bénéficierais également
des produits de notre ferme – 45 variétés
de fruits et légumes – et d'une aide domestique à temps
plein, assurée par nos propres patients.
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