Si j’avais été psychiatre
en chef de 1923 à 1947...
Je serais définitivement un homme et j’aurais
débuté comme surintendant médical du Protestant
Hospital for the Insane de Verdun, qui allait, deux ans plus
tard, changer de nom pour devenir le Verdun Protestant Hospital.
Je débuterais mon mandat avec 800 patients à ma
charge, pour la plupart hospitalisés contre leur gré et
séparés par sexe. J’admettrais plus de
patients que jamais auparavant mais j’afficherais également
un taux record de congé : 67 %.
Je serais fier des avancées permettant des traitements
spécifiques pour certains de nos patients – la
malaria comme remède à la parésie générale,
les injections de chlorure de manganèse pour la démence
précoce et enfin, pour gérer les états
d’agitation, le sulfone, le paraldéhyde, les
bromures et des injections de hyoscine et d’apomorphine.
Notre Hôpital expérimenterait l’induction
du sommeil crépusculaire pour le contrôle des
patients agités, ferait l’essai de l’hydrothérapie
avec des appliques froides et offrirait des services d’ergothérapie
de pointe.
Dès 1934, je m’assurerais que tous nos patients
bénéficient dès leur admission d’un
examen médical complet, y compris une radiographie
pulmonaire. On me féliciterait d’avoir engagé,
en 1937, un jeune psychiatre enthousiaste et innovateur,
Heinz Lehmann, qui allait plus tard révolutionner
le traitement des malades mentaux dans toute l’Amérique.
Je me démarquerais également en engageant,
en 1936, la docteure Mary Palmer, première femme médecin à travailler à l’Hôpital.
Même si elle n’y resta qu’un an, la glace était
brisée et d’autres allaient suivre ses traces.
Vers
la fin de mon mandat, alors que nos patients atteignaient
l’effectif record de 1 700 personnes, j’allais
faciliter l’introduction d’un traitement pour
la schizophrénie par induction d’un coma d’insuline,
et celui des électrochocs pour la dépression
majeure. On m’accorderait également le crédit
de la création du somnol, un nouveau somnifère
qui avait l’avantage de ne pas créer d’accoutumance,
en raison de ses effets secondaires très désagréables
lorsque pris en doses importantes, et celui d’être à l’épreuve
du suicide, puisqu’il induisait des nausées
en cas de surdose.
Je serais sur place pour engager le premier psychologue du
Douglas, en 1945, grâce à quoi je pourrais m’enorgueillir
de travailler à un établissement pluridisciplinaire
avec des spécialistes de quatre groupes professionnels
: la médecine, les soins infirmiers, l’ergothérapie
et la psychologie.
Finalement, en 1946, les nombreuses années de pressions
politiques allaient être payantes, le Verdun Protestant
Hospital allait devenir un hôpital d’enseignement
affilié à l’Université McGill.
Nous allions enfin pouvoir accueillir des résidents
et des internes de la Faculté de médecine de
McGill et trouver une aide plus qu’attendue face à un
effectif sans cesse croissant de patients hospitalisés.
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