Si j’avais été psychiatre
en chef de 1947 à 1965...
Je serais probablement un homme et serait connu comme surintendant
médical du Verdun Protestant Hospital. En 1947, j’assisterais à l’introduction
de la thérapie de groupe à l’Hôpital – une
très bonne idée dans un établissement
comptant 1 700 clients et seulement 6 psychiatres.
De plus,
j’autoriserais, entre 1950 et 1956, 140 lobotomies,
pratiquées sur des patients dans notre salle d’opération.
J’assisterais, avec beaucoup de fierté et un
immense étonnement, à la percée révolutionnaire,
en 1953, de la chlorpromazine pour le traitement de la schizophrénie,
suivie quatre ans plus tard par celle, tout aussi importante,
de l’imipramine pour le traitement de la dépression.
Alors que les nuages de la mélancolie se dissipaient
chez nos patients gravement déprimés et que
les craintes paranoïdes de nos patients schizophrènes
s’apaisaient, j’envisagerais l’avenir avec
optimisme, avec de l’espoir pour les souffrants et
un répit des cris qui me tenaient souvent éveillé par
les nuits chaudes d’été à la Villa
Burland.
Le monde universitaire entendrait enfin parler du
Verdun Protestant Hospital, et nous adopterions un rôle de
leader dans le traitement des graves problèmes mentaux.
En 1955 me reviendrait l’honneur d’ouvrir toutes
grandes les portes de l’asile, puisque 4 des 26 salles
n’auraient plus à être verrouillées, étant
données les importantes avancées facilitées
par nos nouveaux traitements. Perspective moins grisante
: j’aurais cette même année à mettre
en oeuvre les 275 recommandations issues d’une visite
du conseil central d’inspection de l’American
Psychiatric Association.
Un de mes principaux défis serait de trouver la façon
de mettre sur pied un programme externe pour les patients
et une clinique de soins de suivi, comme l’avaient
suggéré les inspecteurs. Mais par où commencer?
Avec l’aide du Département des services sociaux,
un plan allait être préparé pour l’année
1956 et notre programme de soins à domicile allait être
inauguré. Pourquoi ne pas contrer le problème
du surpeuplement en permettant à des patients soigneusement
sélectionnés de retourner dans un milieu semblable à leur
domicile, en foyer d’accueil supervisé? En très
peu de temps, 250 patients allaient quitter l’Hôpital
et, grâce à des visites périodiques de
nos travailleurs sociaux et d’un examen mensuel par
leur médecin, bon nombre d’entre eux n’y
reviendraient plus.
Comme nos bénévoles étaient maintenant
indispensables pour bon nombre d’aspects de notre travail,
c’est avec enthousiasme que nous allions accueillir,
en 1958, la création de notre Service d’auxiliaires-bénévoles,
avec nulle autre que Madame E. Hutchinson comme présidente
honoraire. L’année suivante, incités à améliorer
nos services, nous allions mettre en oeuvre un plan visant à séparer
du reste de notre clientèle les patients de plus de
65 ans. Pourquoi ne pas consacrer le pavillon Porteous à ce
nouveau service gériatrique? Le personnel maugréerait
un peu le jour du déménagement, mais la transition
serait bientôt complétée et le nouveau
service entièrement opérationnel.
Notre évolution à cette époque susciterait
d’autres insatisfactions chez les employés,
mais des changements plus radicaux encore s’annonçaient
pour le VPH. Après de longs efforts de persuasion
et le soutien du président de notre conseil d’administration,
Frank B. Common, nous allions voir approuver un plan complet
de réorganisation et de modernisation de l’Hôpital.
Cela signifierait l’abandon de notre ferme – mais
la perte des oeufs et du lait quotidiens serait amplement
compensée par l’espace gagné pour le
développement de nos propres services pour enfants
et adolescents. De toute façon, nos voisins de la
rue Stephens, qui s’étaient toujours plaints
des cris de nos porcs, allaient accueillir avec enthousiasme
notre nouveau plan.
À la fin des années 1960, l’Hôpital
deviendrait trop grand pour être géré par
un seul homme. Tout en appréciant beaucoup l’autorité absolue
que m’accordait le poste de surintendant médical
et en acceptant sans problème le fait d’être
qualifié de dictateur bienveillant dans mon dos, je
constaterais les avantages de la nouvelle législation
instaurée en 1961, qui stipulait la nécessité pour
chaque hôpital de se doter d’un conseil des médecins.
Dès 1963, conformément à l’avis
de notre conseil des médecins, la structure organisationnelle
de l’Hôpital changerait avec la création
de trois postes dirigeants : ceux de directeur général,
de surintendant médical et de surintendant médical
adjoint. J’allais devenir, bien sûr, directeur
général.
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