Si j’avais été psychiatre
en chef de 1965 à 1994...
Je serais sans doute encore un homme et serais connu comme
directeur général de ce qui s’appellerait
depuis peu l’Hôpital Douglas. Quel honneur que
de présider à la cérémonie de coupure
du ruban lors de l’inauguration officielle de nos Services
pour enfants déficients! Y étaient : le Dr Dominique
Bédard, directeur de la Division des services psychiatriques
au ministère de la Santé; le Dr Denis Lazure,
directeur adjoint; le très révérend R.K.
Maguire, évêque (anglican) de Montréal
et Monseigneur L.T. Whalen, évêque auxiliaire
de Montréal (Église catholique romaine).
Vu la
popularité croissante de nos services post-cure,
qui avaient doublés en quatre ans et traitaient 1
400 patients en 1965, nous nous demanderions s’il n'était
pas plus logique de mettre sur pied un programme de soins
ambulatoires où nous pourrions traiter les patients
avant même leur admission. Cette notion allait sembler
audacieuse, mais nous oserions imaginer que la qualité de
nos traitements nous permettrait de surseoir entièrement à l’hospitalisation.
La première année, seulement 39 patients seraient
référés à notre clinique de dépistage,
ce qui susciterait beaucoup de « Je vous l’avais
bien dit », mais nous ne laisserions pas décourager
et notre persévérance porterait fruit, l’expérience
nous convainquant que le traitement ambulatoire était
la voie de l’avenir en psychiatrie.
S’il était revenu à l’époque,
Alfred Perry n'aurait pas reconnu son Hôpital : une
toute nouvelle unité de thérapie comportementale,
usant de techniques de pointe comme la relaxation, la désensibilisation,
et l’aversion, et un nouveau centre de traitement des
données qui annonçait l’achat imminent
d’un ordinateur pour l’Hôpital. En 1967,
nous allions devenir le premier hôpital psychiatrique
accrédité au Canada.
Mais il semblait que plus
nos succès s’accumulaient,
plus les attentes à notre égard devenaient élevées.
Les objectifs que se fixait pour l’Hôpital notre
conseil de planification en 1970 étaient particulièrement
ambitieux : réduire le nombre de patients hospitalisés,
améliorer les ratios personnel patients, maintenir
la priorité au traitement ambulatoire, éliminer
notre dépendance à l’égard des
patients pour des tâches essentielles au travail de
l’hôpital en les remplaçant par des employés
(coup dur pour notre budget), augmenter le personnel médical,
moderniser les pavillons Perry, Porteous et Northwest, améliorer
les services de réhabilitation et mettre sur pied
une gamme complète de services psychiatriques pour
la population environnante.
Ayant réduit le nombre de patients hospitalisés
de près de 40% en cinq ans, soit de 1 892 à 1
200 places, nous n’arrivions pas à imaginer
comment il nous serait possible de fermer plus de lits. J’aurais été stressé par
ces objectifs et n’aurais su par où commencer.
Malgré mes angoisses, nous arriverions à inaugurer
notre première clinique communautaire de santé mentale à Ville
LaSalle en 1972. Comme les services étaient maintenant
offerts sur une base sectorielle et non plus en fonction
de la langue d’usage, nous traiterions de plus en plus
de patients francophones et devrions réorganiser nos
services en ce sens. En plus des nombreux défis à relever
au sein de l’Hôpital, de nouvelles lois édictées
par le Ministère allaient rendre particulièrement
ardue la pratique médicale.
La loi 65, entrée en vigueur en 1971, aurait pour
effet d’abolir le poste de surintendant médical,
nous forçant à engager un directeur des services
professionnels. De plus, l’admission des patients involontaires
allait devenir un processus très complexe. Alors qu’auparavant,
c’était au surintendant médical et au
médecin traitant de décider qui pouvait être
hospitalisé contre son gré, nous allions maintenant
devoir procéder à deux examens psychiatriques,
remplir des documents juridiques et obtenir l’approbation
des tribunaux.
En 1972, l’adoption de la Loi de la protection du
malade mental allait nous transformer d’un établissement
où la majorité des patients étaient
entrés contre leur volonté à un hôpital
où seulement 10 à 15 % des personnes seraient
admises contre leur gré. Il se peut que toute cette
paperasse supplémentaire ait fait réfléchir
les gens avant de placer des patients à l’hôpital.
En
1977, en préparant mon allocution pour le Bal
de collecte de fonds des Auxiliaires-bénévole,
tenu au chic Hôtel Windsor, je songerais au thème « Bâtissons
des ponts et non des murs » et j’aurais l’impression
que nous progressions, malgré le rapport d’agrément
défavorable reçu en 1973. En 1979, notre nouveau
centre de recherche ouvrirait ses portes, suivi un an plus
tard de notre Banque de cerveaux.
Enfin, en 1981, nous deviendrions
un Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la Santé pour
la recherche et la formation en santé mentale. Le
Douglas serait alors fin prêt à devenir un établissement
de renommée internationale dans le domaine de la santé mentale.
Au cours des dix années suivantes, où nous
allions mettre l’accent sur des efforts de financement
pour réaliser nos ambitieux projets de recherche,
d’enseignement et de soins, nous serions reconnaissants à notre
fondation pour ses efforts sans relâche nous permettant
de réaliser nos rêves.
Le Douglas était devenu un établissement de
grande envergure, doté d’une mission tripartite.
En 1994, arrivés à un point tournant en termes
de leadership, nous allions recruter notre premier directeur
général non médical qui allait décider
de créer un Département de psychiatrie. Le
Douglas allait enfin avoir son premier véritable psychiatre
en chef.
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